Eclairage

Tout comprendre sur le DDP

Face à un marché immobilier où l’accès à la propriété est sans cesse plus difficile (prix à la hausse, resserrement des critères d’octroi des prêts hypothécaires...), le modèle hybride du droit de superficie distinct et permanent (DDP) devient une alternative peu à peu répandue. Zoom sur les particularités de ce «leasing immobilier».

La "location" d'un terrain peut valoir contractuellement sur une durée de 30 à 99 ans
La "location" d'un terrain peut valoir contractuellement sur une durée de 30 à 99 ans - Copyright (c) Freepik
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Souvent qualifié d’inaccessible par la population des grandes villes, le rêve d’accession à la propriété n’est pourtant pas un obstacle infranchissable. À titre d’exemple, le modèle méconnu du droit de superficie gagne en popularité depuis quelques années et s’est d’ailleurs taillé une place de choix dans le mégaprojet de développement genevois Praille-Acacias-Vernets (PAV) avec la vente de «propriété par étage en droit de superficie». Mais qu’est cette solution au nom si complexe? Explications.

Des semi-propriétaires

Le droit de superficie permet de dissocier la propriété d’un terrain de celle des constructions qui sont ou seront érigées au-dessus/en-dessous. En d’autres termes, le propriétaire d’un terrain (le superficiant) octroie à une tierce personne (le superficiaire) le droit de construire, de détenir et d’entretenir des constructions sur son terrain. Moins fréquent, il est également possible d’acquérir la propriété d’une construction déjà existante sur ledit terrain. Dans le cas d’une villa par exemple: si vous l’achetez en droit de superficie, vous n’allez acheter que la maison (les murs) mais pas le terrain, qui va rester propriété du propriétaire initial. Intitulé légalement «droit de superficie distinct et permanent» ou «DDP», ce type de contrat peut voir sa durée varier entre 30 et 99 ans. Par son annotation au registre foncier, le DDP possède alors le caractère d’un droit distinct et permanent. Permanent car il dure plusieurs décennies et distinct car il n’est pas lié à une personne et peut donc être légué, vendu ou transféré au cours de sa durée.

Acheter en DDP revient à acquérir les murs d'un bien mais pas le terrain sur lequel il est situé

Un «loyer» malgré tout

Le droit de superficie qui sépare la propriété du terrain et celle du bien est un moyen d’acquérir une maison/un appartement à un prix plus bas que lors d’un achat classique. Néanmoins, un supplément est nécessaire et vient gonfler la facture finale avec une rente de superficie à verser au propriétaire, comparable à un loyer pour l’utilisation de son sol. Fixé dans le contrat du droit de superficie, l’intérêt à payer doit normalement être proportionnel à la valeur du terrain. À savoir que ces taux d’intérêt peuvent être fixes (le même taux sur l’ensemble de la durée du droit de superficie) ou variables, une spécificité à définir lors de l’achat.

Une situation avantageuse?

Pour l’acheteur, l’avantage est simple: en n’achetant pas le terrain, le prix du bien se veut sensiblement inférieur à celui d’une propriété classique (selon les estimations, le prix diminue d’environ 40%). Néanmoins, le fait de ne pas posséder la propriété du sol est un désavantage notable. En effet, le propriétaire de la construction ne profite pas de l’augmentation de la valeur du terrain sur lequel se situe son bien et peut même subir une perte s’il souhaite vendre un jour ce bien (les immeubles n’ont pas tendance à s’apprécier en valeur avec le temps et les coûts de rénovation réguliers entraînent une réduction de la plus-value potentielle). Finalement, même si la durée du contrat peut être courte (minimum 30 ans), la rente versée au fil du temps excède bien souvent la valeur initiale du terrain alors qu’en définitive ce terrain n’appartiendra pas à l’acheteur à la fin du contrat.

Du point de vue du propriétaire du terrain au contraire, ce droit de superficie est bénéfique sur de nombreux points puisqu’il lui permet de déléguer la construction et la gestion de biens immobiliers à des tiers tout en conservant un certain contrôle sur l’affectation qui est faite de son sol. De plus, cela lui génère des revenus passifs via les rentes perçues tout au long du contrat.

Des conditions à contrôler

Dans le cadre d’un droit de superficie, superficiant et superficiaire doivent s’accorder sur de multiples aspects en amont d’une signature de contrat. L’acheteur doit notamment prêter attention au montant de la rente et à son indexation mais aussi aux modalités relatives à la durée du contrat. Il est en général prévu que le contrat puisse se renouveler à son échéance mais il faut veiller à le spécifier dès le début. S’il ne devait pas l’être, à l’expiration du délai de 99 ans par exemple, l’acheteur qui a construit sa maison sur le terrain «loué» doit restituer le terrain en l’état initial ou avec le bien nouvellement construit. Il est donc essentiel d’avoir défini dès le départ le versement d’une indemnité équitable, fixée selon les prix du marché afin de racheter le/les logement/s. Autrement, les constructions acquises deviennent alors partie intégrante du sol et la propriété de celui qui possède le terrain. La loi prévoit également la possibilité d’un retour anticipé, notamment si le propriétaire de la construction excède son droit réel ou viole gravement les obligations contractuelles. C’est pourquoi, la durée, pouvant aller jusqu’à 99 ans, n’est jamais définitivement garantie. Par ailleurs, le propriétaire de la construction et celui du terrain peuvent décider conventionnellement de mettre un terme au droit de superficie avant son échéance. En tant que propriétaire du logement, la loi donne aussi le droit de vendre son bien en transférant la propriété du bâti à un nouveau superficiaire ou bien en le transmettant à ses héritiers. Le nouveau contractant devra à ce moment-là se conformer aux modalités du contrat de superficie.

Enfin, il est important de noter qu’en tant que propriétaires fonciers en Suisse, les acheteurs de maisons/appartements grevés d’un droit de superficie sont regardés comme des propriétaires classiques d’un point de vue fiscal (même si les terrains ne leur appartiennent pas). Le traitement fiscal reste donc identique aux biens détenus en pleine propriété. Ils sont ainsi soumis à l’impôt sur la fortune et à l’impôt sur le revenu. Le propriétaire du sol, lui, ne s’acquitte que de l’impôt sur le revenu du droit de superficie.