Lausanne

Plongée dans les courbes du Rolex Learning Center

Une fois par mois, nous partons à la découverte de l’environnement bâti suisse. Dans ce numéro, cap sur Lausanne et l’EPFL, où se dresse majestueusement le Rolex Learning Center. Zoom sur ce bâtiment aux courbes ondulantes, à la fois laboratoire d’apprentissage, bibliothèque abritant 260’000 ouvrages, et espace culturel ouvert sur le monde.

Situé au centre du campus de l’École polytechnique fédérale, le Rolex Learning Center est réparti sur un seul espace ouvert de 20'200 m2.
Situé au centre du campus de l’École polytechnique fédérale, le Rolex Learning Center est réparti sur un seul espace ouvert de 20'200 m2. - Copyright (c) EPFL_Jamani Caillet
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Il y a eu bien sûr celle d’Alexandrie, au IIIe siècle avant J.C. Et puis celle de Celsus, édifiée au IIe siècle à Éphèse, en Turquie. Plus près de nous, la Bibliothèque Bodléienne de l’Université d’Oxford, fondée en 1602, abrite toujours une collection d'environ 13 millions de livres rares, cartes, photographies et autres documents. Depuis des siècles, les bibliothèques fascinent et émerveillent, car elles offrent aux chercheurs et aux curieux un voyage à travers le temps. Il était donc tout naturel que l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), université renommée à l’échelle mondiale pour la qualité de son enseignement et de sa recherche, dispose d’une bibliothèque à la hauteur de ses ambitions. C’est chose faite depuis 2010, année marquée par l’inauguration du spectaculaire Rolex Learning Center (RLC). Ce bâtiment de verre et de béton constitue un écrin rêvé pour les 260’000 livres qu’il abrite (il s’agit de l’une des plus grandes collections de littérature scientifique d’Europe, comprenant des éditions rares datant du XVe siècle). Mais il est aussi et surtout une véritable icône de l’EPFL, symbolisant l’innovation, le progrès scientifique et l’excellence académique.

À la fois laboratoire d’apprentissage, bibliothèque et espace culturel ouvert sur le monde.diaporama
À la fois laboratoire d’apprentissage, bibliothèque et espace culturel ouvert sur le monde.

Abolir les frontières

Conçu par le célèbre cabinet d'architectes japonais SANAA, sa surface s’étend sur 20'200 m2, soit l’équivalent de deux terrains de football, pour un coût total de 100 millions de francs, financés à parts égales par le gouvernement suisse et par des sponsors privés. Cet «outil expérimental» dépourvu de murs porteurs et s’étendant sur un seul niveau avait pour visée originelle de permettre de nouvelles manières d’étudier et d’interagir. «Nous avons en quelque sorte imaginé un parc – un espace où les gens puissent communiquer» détaille l’architecte Kayuyo Sejima, lauréate du prix Pritzker aux côtés de son collègue Ryue Nishizawa. À l’intérieur, pas de portes, pas de couloirs. Les escaliers et marches traditionnels ont été remplacés par un sol ondulant, qui délimite les zones d’étude et de travail sans imposer de barrières physiques. Par exemple, les zones de silence sont regroupées le long des collines et des pentes, plutôt que confinées dans des salles d’étude fermées. «Les mouvements humains ne sont pas linéaires, comme dans un train. Ils sont plus courbes, de type plus organique, explique de son côté Ryue Nishizawa. Avec les lignes droites, on créée des croisements, avec les courbes, des interactions beaucoup plus diverses.» Il ajoute que cet espace ouvert favorise la recherche collaborative, l’interdisciplinarité et la sociabilité en encourageant les rencontres informelles au café et dans les différents espaces sociaux. Il vise à abolir les frontières entre différents domaines de connaissance. Ici, mathématiciens et ingénieurs côtoient neuroscientifiques et microtechniciens pour imaginer les technologies qui façonneront notre quotidien demain.

Cet espace ouvert favorise la recherche collaborative, l’interdisciplinarité et la sociabilité.diaporama
Cet espace ouvert favorise la recherche collaborative, l’interdisciplinarité et la sociabilité.

Défis techniques

Bien que rectangulaire vu du ciel, le RLC présente une apparence fluide et aérienne vu de plain-pied. Sa structure repose en effet sur des piliers presque invisibles, permettant au toit courbe de flotter au-dessus de l'espace intérieur. Cette conception audacieuse a exigé des techniques de construction innovantes. «Au départ, les ingénieurs jugeaient inconstructible cette énorme structure ondulante que les architectes refusaient de placer sur des poutres de soutien», note le directeur du projet Éric Maino. Les ratios de charge et de hauteur suggéraient qu’elle ne résisterait pas à son propre poids. Après de nombreuses réflexions, les ingénieurs civils ont cependant trouvé la solution: tendre d’immenses câbles d’acier à travers les structures de béton et se déployant sous terre. Ces ponts assurent un équilibre des forces total permettant le maintien des voûtes sans support. Le RLC étant une structure unique, tous ses éléments, y compris le toit, sont flexibles pour absorber les mouvements. Les plafonds intérieurs sont conçus avec des joints, et les 700 vitres incurvées des façades, pour la plupart uniques, sont capables de bouger indépendamment sur leurs structures respectives.

Grâce au système RFID, les étudiants peuvent emprunter une pile d’ouvrages et la retourner simplement en la plaçant sur une étagère électronique avec leur carte.diaporama
Grâce au système RFID, les étudiants peuvent emprunter une pile d’ouvrages et la retourner simplement en la plaçant sur une étagère électronique avec leur carte.

Le RLC est aussi très économe en énergie et s’enorgueillit de pouvoir répondre au label environnemental «Minergie». Ses stores et ses systèmes de climatisation sont automatisés, tandis que des dispositifs intelligents assurent un équilibre thermique optimal. Les doubles vitrages de haute qualité et l’isolation au sol et au plafond contribuent également aux économies d’énergie.

Accès à l'information

Un détail qui a toute son importance: il n’a jamais été aussi aisé d’emprunter de grandes quantités de livres. Grâce au système RFID (identification par radiofréquence), les étudiants peuvent emprunter une pile d’ouvrages et la retourner simplement en la plaçant sur une étagère électronique avec leur carte. Au fur et à mesure des progrès technologiques, il devrait également être possible de localiser un livre sur un rayon grâce à son téléphone portable. Reste à voir comment les milliers de chercheurs et d’étudiants de l’EPFL utiliseront ce nouveau joyau de la connaissance...