Chronique chez soi

En vert et contre tout

Un petit jardin? Je n’en avais jamais rêvé. Et bim, ça m’est tombé dessus. Quand on est débutant dans le domaine, difficile de ne pas se planter. Mais sans vouloir me lancer des fleurs, maintenant je gère.

Des plantes, des fleurs, des papillons...
Des plantes, des fleurs, des papillons... - Copyright (c) DR
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J’ai grandi dans un quartier populaire d’immeubles alignés. Je n’avais jamais eu de jardin. Et c’est peu dire que je n’avais pas la main verte, même à l’école primaire quand on mettait des lentilles sur du coton pour que ça germe, ça ne poussait pas. J’ai réussi à faire mourir des cactus, qui, pourtant, ne demandaient pas grand-chose comme entretien. Et puis un jour, il y a un peu plus d’un an, sur un malentendu, je me suis retrouvée dans appartement avec un petit jardin. Oui, un espace clôturé avec une surface brune au sol, dont sortent des choses vertes. Je m’étais dit: cool, il y a du gazon, un arbre, rien à faire, juste à mettre deux chaises longues face au soleil, trouver une petite table pour poser mon verre et mon bouquin, et entre deux séances sur Teams, la vie est belle. Erreur. Grosse erreur. Fatale erreur.

Double trauma

Les gens vous disent tous: «C’est super, ça te fait une pièce de plus!» Effectivement, à certaines périodes de l’année uniquement, car vous savez ce qu’on dit: à Genève quand on voit le Salève, c’est qu’il va pleuvoir, et quand on ne voit pas le Salève, c’est qu’il pleut. Quand il ne pleut pas, ça fait donc une pièce de plus, mais pas mal d’emmerdements de plus, aussi.

Nous voilà un samedi dans un Garden Center, l’idée que je me faisais du dernier cercle de «L’Enfer» de Dante

D’abord, un jardin, c’est vivant. Du coup, c’est comme un enfant, il faut s’en occuper au quotidien. Moi j’ai emménagé, et mon amoureux m’a dit: «Il faut une tondeuse.» Trauma. Mais euh... non, pourquoi faire... il n’est pas question que j’achète une machine qui fait du bruit, qui est dangereuse, et qui pollue. Mais en fait, étant donné que le gazon pousse, il faut le tondre, sinon c’est moche. Nous voilà donc un samedi dans un Garden Center, ce qui est à peu près l’idée que je me faisais du dernier cercle de L’Enfer de Dante, et nous en repartons avec la tondeuse + le râteau, la pelle, la bêche, la pioche, le bac à déchets de jardin, le tuyau d’arrosage, les embouts d’arrosage, le karcher, les gants, les bottes, les lampes à LED, les guirlandes lumineuses, les maisons à oiseaux, les maisons à écureuils, les maisons à hérissons, les rosiers, les hortensias, les pétunias, les marguerites, un cyprès, les mini sapins et last but not least, les sacs de terreau qui pèsent un âne mort chacun (comment peut-on sérieusement, alors que la vie est courte, passer un jour de congé à porter des sacs de terreau, qui en plus n’ont aucune prise, je vous le demande, cela restera pour moi comme le big bang: un mystère irrésolu).

Evidemment, tout cela coûte un rein, le business du jardinage étant, sans mauvais jeu de mots, florissant. Il m’en restait un. De rein. Eh bien je l’ai vendu pour acheter un salon de jardin, fauteuils résistants à la pluie, coussins, table basse, table à manger en (faux) marbre et les deux chaises longues parce que quand même, il ne faut pas déconner, c’était le projet de départ. C’est à ce moment que mes enfants me lâchent: «Il faut un barbecue.» Re-trauma. «Mais euh... non, pourquoi faire... je ne vais pas acheter un truc laid, dont on n’a pas besoin, on mange trop de viande de toute façon, etc.». J’ai fini par négocier une petite plancha.

Avec un peu de boulot finalement, une petite vie s'installe dans son jardin.diaporama
Avec un peu de boulot finalement, une petite vie s'installe dans son jardin.

Il y a un autre problème que je n’ai pas vu venir. Tout ça, il faut l’entreposer quelque part. Ben oui. En gros, il faut une deuxième maison pour caser le matériel de la première. Alors là, ce fut un non catégorique, et j’ai été soutenue par le règlement de la copropriété qui interdit les cabanes de jardin, ouf et merci. Nous avons donc des coffres en métal qui sont arrivés en pièces tellement détachées qu’il a fallu engager quelqu’un qui a fait polytechnique pour les monter.

Heureux!

Je vous passe les graines d’hortensia d’Amsterdam (une arnaque) qui n’ont pas plus germé que les lentilles de ma jeunesse, malgré le fait que je leur parlais gentiment tous les jours, et la haie qui ne cache rien du jardin, qui ne pousse pas et que je vais devoir changer. La vérité vraie est que j’ai réalisé le rêve de

55% des gens, qui affirment que, dans une perspective d’acquisition d’un bien, le jardin est une condition indispensable. J’ai découvert qu’avec un peu de boulot, une petite vie s’installe, des plantes, des fleurs, des papillons, des vers de terre, des bourdons, des escargots (j’adore), des limaces (je déteste), des oiseaux qui viennent tous les jours (j’ai appris à reconnaître un rouge-gorge, une mésange, un merle, un corbeau, une tourterelle), des écureuils qui dorment dans les maisons à oiseaux et pas dans celles à écureuils. Mon chat est heureux de son nouvel espace, mon mec est heureux de sa tondeuse, mes enfants sont heureux de la plancha, et il faut reconnaître que pour les tranches d’aubergines marinées dans l’huile d’olive et le gros sel, c’est parfait. Et moi, je n’ai pas trop le temps pour la chaise longue, mais je vois la vie en roses (le pluriel, c’est exprès).