Suisse

Marché immobilier et économie: l’an 2020 fut celui de tous les records!

29/03/2021

Février-mars 2021 est le moment opportun pour dresser un bilan de l’année écoulée et oser imaginer quelques perspectives à venir. Dans le cadre de ses formations continues, CGI Conseils a organisé, conjointement avec l’APGCI (Association professionnelle des gérants et courtiers en immeubles de Genève), un webinaire à l’intention des professionnels de la branche. Sans prétendre à une synthèse exhaustive des présentations, reprenons quelques indicateurs et éléments qui ne manqueront pas de surprendre.

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Caroline Dunst et Alexandre Baettig, tous deux experts immobiliers CEI chez Acanthe SA (groupe Naef) ont livré les dernières statistiques permettant de sonder l’état du marché résidentiel suisse. En premier lieu, quelques données sur le contexte conjoncturel: lors des trois derniers trimestres, l’économie suisse s’en est mieux sortie que prévu, avec un recul du PIB de 3,3% (versus prévisions mi-année -5%). La reprise pour 2021 reste toutefois timide (+3,0%) et le PIB avant crise ne sera retrouvé qu’en 2022, voire 2023. Ces chiffres helvétiques sont nettement plus rassurants que ceux des principales économies développées, comme les USA (-8,0%) ou la zone euro (-10,2%). Du côté du taux de chômage, il devrait se maintenir à 3% environ sur les deux prochaines années (Genève est la lanterne rouge de la Suisse avec un taux de 5,6%). Cependant, le recul sur les données reste limité, puisque nombre de faillites pourraient encore se produire dans les mois à venir. Enfin, les taux d’intérêt demeurent à des niveaux historiquement bas (établis à 1,25% depuis mars 2020), ce qui rend l’investissement dans la pierre toujours intéressant par rapport à d’autres types de placement.

Dynamisme économique genevois

La Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG) se positionne comme un baromètre de la santé de l’économie genevoise. Créée il y a 155 ans, cette «maison de l’économie» regroupe aujourd’hui 2400 entreprises membres de toute taille et tout secteur, dont de nombreux acteurs de l’immobilier. Son directeur général Vincent Subilia, par ailleurs député PLR, a rappelé les forces du tissu économique de notre canton. Le territoire compte 42 000 entreprises, 330 000 emplois (en équivalent plein-temps) dont 283 000 dans le secteur tertiaire et plus de 3000 entreprises créées chaque année. Genève est en outre considérée comme la capitale de la gouvernance internationale, avec ses 1700 multinationales, 400 ONG et 36 organisations internationales. «Une diversité qui rime avec prospérité», insiste Vincent Subilia. L’économie genevoise - dont la force réside dans l’entrepreunariat - est tournée vers l’exportation et l’innovation. Le PIB par habitant est de CHF 110 450.- en 2019, à comparer à la moyenne suisse qui s’élève à CHF 84 770.- ,ce qui procure aux Genevois un pouvoir d’achat appréciable. Parmi les facteurs d’attractivité de Genève, le directeur général de la CCIG cite la fiscalité, notamment depuis 2020: la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) a permis de réduire l’imposition des bénéfices des entreprises d’environ 24% à 13,99%. Parmi les autres atouts figurent la situation centrale permettant d’accéder au marché européen, la qualification de la main-d’œuvre, le cadre de vie et de travail, les paysages et l’environnement naturel, les infrastructures de qualité (santé, éducation, etc.), ainsi que des connexions internationales aériennes et ferroviaires performantes. Quant aux conséquences de la pandémie, Vincent Subilia rappelle les difficultés rencontrées par de nombreuses entreprises dans le paiement de leurs loyers, en raison de l’interdiction d’exercer leurs activités. De ce fait, la solidarité s’impose avec des moyens mis sur pied comme les accords Vesta (demandes d’exonération de loyers). Face à la concurrence de la France voisine et des achats en ligne, le renforcement de l’attractivité des commerces genevois est donc d’autant plus important. En ce sens, des aménagements urbains qualitatifs et l’accès au centre-ville sont des facteurs clefs. La crise n’a pas ébranlé le secteur immobilier Comme on le sait, le marché immobilier genevois se caractérise par l’exiguïté de son territoire, conjugué à une forte croissance démographique, notamment portée par le solde migratoire. Genève possède le taux de vacance le plus bas de Suisse (0,49%), ce qui maintient notre canton en situation de pénurie, et ce depuis une vingtaine d’années. L’écart entre l’offre et la demande tend toutefois à se réduire; en effet, en moyenne 2900 personnes quittent chaque année Genève pour aller s’installer dans les cantons de Vaud et Valais, ou en France voisine, où ils trouvent des loyers et des prix de vente plus accessibles. Le domaine de la construction se porte plutôt bien à Genève: pour la cinquième année consécutive, le nombre de nouveaux logements livrés sur le marché a dépassé le seuil des 2000 unités (2500 estimés en 2020). Notons que depuis l’entrée en vigueur de la modification de la LCI art. 59 al. 4 en 2012, la zone villas a subi une densification accrue par le biais des dérogations possibles. Pour freiner et mieux contrôler les constructions dans cette zone, l’Etat de Genève a décrété un moratoire fin 2019, gel levé en 2021. De nouvelles exigences sont désormais requises et un poids plus important est accordé aux communes, par le biais de leurs plans directeurs.

PPE et villas: prix et transactions

Malgré le climat d’incertitude, le volume des PPE à la revente à Genève est plus élevé que les années précédentes, dépassant même le pic de 2012. Le prix moyen des appartements (CHF 1’470’000.-) a également grimpé, avec une part d’acquéreurs suisses estimée à 65% et d’étrangers à 35%. Quant aux PPE neufs, de fortes disparités en termes de prix/m² se font sentir entre les diverses communes genevoises. Cela s’explique largement par les spécificités du contrôle des prix par l’Etat en zone de développement (ZD). En d’autres termes, les communes avec les prix les plus attractifs possèdent un territoire majoritairement situé en ZD et présentent des prix médians inférieurs à CHF 7000.-/m². C’est le cas de Lancy, Carouge, Genève ou Meyrin. Concernant les villas, le volume des transactions a également atteint un pic en 2020, tout comme le niveau des prix, le plus élevé de ces 30 dernières années! Le segment des villas inférieures à CHF 2 millions a perdu du terrain au profit des autres tranches et tout particulièrement celle du prestige (propriétés vendues à > CHF 4 millions). Notons que pour les villas, la part des acquéreurs suisses et étrangers est équivalente (50/50%), ces derniers étant prêts à payer davantage pour leur bien (+25%). Quant au segment du luxe, il représente aujourd’hui 30% du marché résidentiel total à Genève (en termes de valeur des transactions). Ce sont 137 objets, essentiellement des maisons individuelles et situées pour la plupart sur la rive gauche du canton, qui ont été écoulées en 2020, avec un prix médian de 5’500’000.- Parmi ces biens, 9 sont qualifiés de «super prime», c’est-à-dire affichent un prix supérieur à CHF 20 millions.

Des investissements immobiliers durables

Qu’en est-il des immeubles de rendement résidentiels? Entre 2015 et 2019, les loyers sont restés stables en Suisse (+0,25% par année) et de l’ordre de +0,9% en 2020. A Genève, le nombre de transactions n’a cessé d’augmenter depuis 2015, avec un minimum de 40 transactions par trimestre. 203 transactions d’immeubles ont été effectuées en 2020, équivalant à 3,4 milliards de francs. Notons encore que plus de 20% des transactions concernent des biens entre 10 millions et 50 millions et que le nombre de transactions pour des biens supérieurs à 50 millions a triplé au cours des cinq dernières années. «Les exigences en matière de durabilité s’imposent pour l’ensemble des investissements immobiliers. Ainsi, les questions énergétique et climatique ont gagné en importance, avec la réduction du CO2 dans les bâtiments devenue un enjeu clef», relève Hervé Froidevaux, associé et directeur Suisse romande de Wüest Partner, membre de la direction générale de Homadata. Est-ce que l’on construit trop de surfaces d’activités à Genève? Cette interrogation revient de manière récurrente. Quoiqu’il en soit, le risque existe, puisque de nombreux immeubles administratifs se construisent, avec pour conséquence des loyers et des rendements à la baisse. Hervé Froidevaux reste toutefois positif: l’absorption de cette offre devrait se faire progressivement, en raison de l’évolution économique favorable à Genève. Selon l’expert, le télétravail a également un impact, mais il ne sera pas aussi important en termes de diminution des surfaces de bureaux. Les typologies des locaux sont déterminantes, tout comme la localisation et les commodités à proximité. Les changements que nous traversons vont donner lieu à de nouvelles opportunités: il appartient aux plus créatifs d’entre les professionnels et leurs clients de s’en saisir pour repenser le marché commercial.

Véronique Stein